En 2010, la rétrospective consacrée à Jean-Michel Basquiat, le trublion de la scène artistique américaine, par le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris a connu un succès retentissant et inattendu. Près de 3000 visiteurs par jour : du jamais vu depuis la création du musée ! Mais pourquoi cet engouement ? Pour X raisons bien sûr, la première peut-être parce que la vie de l'artiste est une saga en soi, avec un destin tragique : un artiste de la rue, d’origine portoricaine et haïtienne, né en 1960 à Brooklyn dans l’Etat de New York et mort à New York en 1988 à la suite d’une overdose à l’âge de vingt-sept ans. La deuxième, peut-être parce que Basquiat appartient à la génération des graffiteurs qui a brusquement émergé à New York à la fin des années 70. Issu de l’"Underground" new yorkais, sans formation artistique, Jean-Michel Basquiat a commencé à couvrir les murs de SoHo et les wagons du métro de graffiti sauvages. Ces derniers sont signés SAMO pour « Same Old Shit », annonciateurs de l’énergie et de la colère qui a parcouru l’ensemble de son œuvre. Peut-être aussi parce que son art est intègre des références tout aussi bien artistiques que populaires, ethnographiques ou sociétaux. Silhouettes squelettiques, masques grimaçants et pictogrammes peuplent ses dessins qui se chargent de symboles. Il y convoque les mythologies du vaudou et de la Bible, les images de la bande dessinée et de la publicité, la musique, le sport. Sûrement aussi parce que peu à peu, l’artiste revendique dans son travail sa négritude et se lance dans la représentation de personnages noirs. Pour Basquiat, c’est une lutte contre le racisme, le capitalisme, les inégalités qui se joue dans son travail. Ses huit ans de production, interrompus par sa disparition prématurée, il les vit avec intensité. Et pour finir, parce que son ascension artistique a été fulgurante. Très vite, sa peinture lui vaut une notoriété mondiale : en 1982, il est invité à participer à la Documenta 7 de Kassel en Allemagne ; l’année suivante, il est le plus jeune et premier artiste noir à exposer à la Biennale du Whitney Museum of American Art à New York ; en 1984, il réalise en commun des peintures avec Andy Warhol. Conçue avec la Fondation Beyeler à Bâle où elle a été présentée plus tôt dans l’année, la rétrospective de 2010 a été la plus importante jamais créée sur l’artiste. Basquiat a marqué une véritable rupture dans l’art minimal et l’art conceptuel de l’époque, annonçant un nouvel expressionnisme. On y a découvert les tenants et les aboutissants de son propre primitivisme. Composée d’une centaine d’œuvres majeures (peintures, dessins, objets), l’exposition a permis de reconstituer le parcours chronologique de l’artiste et de mesurer toute son importance dans l’art, au-delà des années 80. Elle a permis surtout de comprendre la questionnement identitaire de Basquiat en tant qu’afro-américain dans un monde historiquement dominé par les blancs. Ce fut l’occasion de s’imprégner d’une iconographie personnelle élaborée à partir de l’histoire propre des ses origines métissées à celle de l’Amérique contemporaine. Deux films ont accompagné la découverte de l’artiste : “The Radiant Child” de Tamra Davis et “Downtown 81”. Ce dernier, tourné durant l’automne-hiver 1981 avec Basquiat en “guest star” est un riche témoignage de l’époque où encore inconnu, l’artiste taguait les murs délabrés de la cité de ses aphorismes énigmatiques et contestataires signés SAMO (The SAMe Old shit). Aujourd’hui, il est considéré comme une figure incontournable de l’art contemporain, l’une des plus chères du marché.