Si le couple de Noailles a été d’une grande importance pour l’avènement de la modernité artistique en France, il s’agit pourtant de la première exposition qui leur est consacrée. De 1923 à 1970, la villa était le terrain de rencontres et d’exposition de Marie-Laure et Charles de Noailles. Cette exposition est l’occasion de montrer à la fois la collection incroyablement moderne du couple mais aussi leur vie personnelle et intime. Les Noailles ne sont pas un duo de collectionneurs comme les autres. Ils s'intéressent à tous les champs artistiques possibles (sculpture, musique, danse, photographie, cinéma, littérature, montage, collage) et vivent à l’ère du temps. Leur collection éclectique est le témoignage d’une époque entière, celle de la reproductibilité technique de l'œuvre d’art pour citer Walter Benjamin. Moderne et à la fois classique, la collection rassemble les œuvres de Brecht, Vertov, Picasso, Eisenstein, Ernst, Bataille, Leiris et Rivière, héritiers de Baudelaire, Manet, Proust ou Mallarmé qui donnent sens à la pratique moderne du montage. Mais aussi des œuvres de Goya, Dali, Rubens, Mandiargues, Clémenti, César ainsi que des statues antiques. À cela s'ajoutent des meubles de Jacques-Émile Ruhlmann, Jean-Michel Frank, Charlotte Perriand, Francis Jourdain ou encore de Smith & Co. L’ensemble se mélange à des objets vernaculaires comme des poupées espagnoles, des images et textes réunis dans des scrapbooks, des cartes postales… Bref, un énorme cabinet de curiosité à l’accrochage singulier où les significations se croisent et s'entremêlent. Haute et basse culture se côtoient et cassent les codes en allant au-delà des frontières imposées. Cet accrochage traduit la modernité des œuvres qui, à première vue, n’ont rien à voir ensemble. Surprenant, cet assemblage forme une collection en rhizomes, faite de rencontres et d’échanges au cœur des modernités du siècle dernier. Et tout cela se passe dans la superbe villa Noailles, bâtiment fonctionnel et compact qui témoigne des nouveaux concepts de l’architecture moderne de l’entre-deux-guerres en France.Robert Mallet-Stevens, son architecte, a joué avec les espaces pleins et vides, les formes qui se répètent rappelant les allures néo-plasticiennes du groupe néerlandais De Stijl.