C’est un feu d’artifice cet automne à Paris. A coté de Bacon à Pompidou, de Léonard de Vinci au Louvre, voici El Greco au Grand-Palais. Il s’agit là de la première grande exposition monographique française consacrée au génie que fut Greco, peintre d’origine crétoise, de son vrai nom Domenikos Theotokopoulos. Né en 1541, El Greco fait son premier apprentissage dans la tradition byzantine avant de parfaire sa formation à Venise puis à Rome. C’est cependant en Espagne que son art s’épanouit et s’implante durablement à partir de la décennie 1570. Attiré par les mirifiques promesses du chantier de l’Escorial, l’artiste importe dans la péninsule la couleur du Titien, les audaces du Tintoret et la force plastique de Michel-Ange. C'est cette synthèse, ce mélange des influences, tout à fait original et unique pour l'époque qui donne à Greco une place particulière dans l’histoire de la peinture : celle du dernier grand maître de la Renaissance et du premier grand peintre du Siècle d’Or. Pourtant si son travail fut reconnu de son vivant, sa riche production est vite tombée dans l’oubli et le dénigrement pendant près de deux siècles après sa mort, suscitant par la suite interrogations et débats. Ce sont les peintres d'avant-gardes européennes de la fin du 19e et du début du 20e siècles qui redécouvrent Greco, éblouis par son œuvre, incroyablement inventive, à la fois fougueuse et électrique. Greco développe en effet une esthétique expressionniste qui attire l’attention des artistes comme Matisse, Picasso ou Jackson Pollock. Il allonge les formes. Les silhouettes s’étirent en flamme et se détachent souvent sur des ciels agités. L’artiste jouit ainsi du double prestige de la tradition et de la modernité, reliant le Titien aux Fauves, le maniérisme au cubisme, à l’expressionnisme, à l’abstraction. Greco est également un insatiable inventeur de formes, mettant au point des compositions innovantes et audacieuses sur lesquelles il n’aura de cesse de revenir tout au long de sa carrière, variant les effets, les moyens plastiques, les intentions de son discours. Ce que donne à voir l’exposition se concentre surtout sur la mutation du peintre à ses débuts, qui le fait passer d’un art d’icône à une esthétique vénitienne, ses inventions et variations, et de suivre le cheminement de son style de Venise à Tolède. Exposition événement dit prêts exceptionnels. L’exposition organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, le musée du Louvre et l’Art Institute de Chicago réunit pour l’occasion entre 60 et 80 œuvres du maître venant des plus grands musées du monde. Une occasion unique de découvrir les différentes facettes de cet artiste encore très mal connu en France.