Delacroix et le Louvre, une histoire d’amour partagée avec des milliers de gens. C’était en 2018, et c’était l’expo à ne pas louper à Paris. Cette année-là, le Louvre organise une rétrospective historique sur Eugène Delacroix (1798-1863), peintre d’exception de l’art français. Première exposition exhaustive sur le peintre depuis 1963, elle a accueilli 5100 visiteurs par jour, attiré près de 540 000 visiteurs au total à Paris. Le succès s’est répété au Metropolitan museum of art à New-York, co-producteur de l’exposition, où elle s’est installée après Paris. Il s’agissait là de la première rétrospective jamais consacrée à Delacroix en Amérique. Mais pourquoi un tel engouement pour Delacroix ? Parce que le peintre a laissé une iconographie mythique de la Révolution et notamment de la Révolution des Trois Glorieuses les 27, 28 et 29 juillet 1830, des peintures monumentales aux motifs classiques, mais aussi une image de maître romantique figée dès 1855. Delacroix est bien plus que cela et l’exposition produite par le Louvre l’a prouvé. 180 œuvres rassemblées, enrichies des écrits de l’artiste, ont permis de découvrir la production du peintre dans une « vision globale » revendiquée par Sébastien Allard, commissaire de l’exposition. En véritable hommage, il propose une vision synthétique et renouvelée, interrogeant sur ce qui a pu inspirer l’artiste. La mythologie, la littérature, l’Orient et l’histoire contemporaine a ainsi donné forme à ces sentiments exacerbés. Ce fut une occasion unique de voir l’ensemble de ses chefs d’oeuvre réunis autour de l’emblématique Liberté guidant le peuple, et de la plupart des oeuvres majeures de l’artiste conservées dans les musées français, dont de magnifiques grands formats comme la Médée furieuse de Lille, et des prêts exceptionnels en provenance notamment des États-Unis, de Grande-Bretagne, d’Allemagne, du Canada, de Belgique…Bref le résultat d’une coopération muséale d’une grande envergure, somme toute. Né dans une famille bourgeoise, Delacroix est avide de succès. Dès 1822, il présente ses peintures au Salon et ses chefs d’œuvre sont produits tôt dans sa carrière : Scènes des massacres de Scio (1824), La Mort de Sardanapale (1827) et bien sûr La liberté guidant le peuple (1830). Pourtant, le sujet politique est vite abandonné au profit de genres variés : portraits d’animaux, orientalisme, dolorisme religieux… Delacroix est en recherche constante, si bien qu’il peut peindre au même moment d’énormes bouquets de fleurs emblématiques de l’art décoratif et des tableaux religieux inspirés des maîtres anciens. Si l’on retient surtout sa peinture monumentale, l’exposition du Louvre a montré qu’il y avait une véritable articulation entre ses grands décors et sa peinture de chevalet, qui se répondent et permettent de déployer un même motif. Delacroix est un génie de la couleur et de la matière. Sa peinture très sensuelle privilégie les corps, le vécu de la chair et, à travers cela, les émotions. Ainsi, revenant sur son statut d’icône, la rétrospective du Louvre a montré qu’il y avait bien plus à comprendre dans l’œuvre de Delacroix, riche de motifs et de recherche picturale.