Paris
La Maison Rouge - Fondation Antoine de Galbert
19 févr. → 10 mai 2015
Fermé définitivement
Un adolescent, encore en culotte courte, fait le salut nazi dans un paysage enfantin. Une jeune fille sur le point d’égorger un garçon, peut-être son frère. Des têtes d’insectes monumentales comme prêtes à vous dévorer. Voici l’art de Jérôme Zonder. Un art qui interpelle, un art qui dérange. En 2015, "Fatum" est la première exposition monographique de l’artiste à Paris. Présentée à la Maison rouge, elle est conçue comme un cheminement à la fois spatial et mental dans l’œuvre de Zonder. Ce n’est pas une exposition qu’invite l’artiste à visiter. C’est une expérience graphique. Un vaste dessin réalisé au fusain, au graphite, à l’encre et à l’acrylique se déploie sur les murs et les sols et une sélection d’œuvres réalisées ces dix dernières années s’intègrent à l’ensemble. Ce parcours labyrinthique révèle l’ampleur d’une exposition qui abolit ses limites : "Fatum" est une injonction à parcourir un dessin et à pénétrer les récits que propose Jérôme Zonder. Rarement le souvenir d’une telle exposition n’était resté dans la mémoire collective. Dès le sas d’entrée passée, chaque visiteur se sentait littéralement happé et à la fois envahi. Le dessin est partout. Sur les murs que l’artiste a entièrement recouvert en tapotant le graphite à même ses doigts. Au sol, au plafond, tout n’est plus qu’un labyrinthe graphique sur les parois duquel des oeuvres accrochées faisaient, selon, augmenter votre rythme cardiaque. Car "Fatum" n'était pas une promenade bucolique. Elle nous plongeait dans la rudesse de l’enfance, qui était accentuée par le coté “black and white” du médium. En 2009, l’artiste perçoit une montée de violence et consacre alors une série aux enfants du siècle, alors âgés de 9 ans. Il les personnifie en trois personnages : Garance, Baptiste et Pierre-François qui grandissent au fil des œuvres et des années. Son personnage de Garance s'inspire d’ailleurs de la photographe, commissaire d’exposition et militante féministe, membre des FEMEN, Julia Javel. Dans les récits où ils s’incarnent, l’innocence présumée de l’enfance laisse place à une véritable brutalité sexuelle et morbide. Les images de l’enfance fusionnent avec les imaginaires de Sade, des films d’horreur, mais également de la Shoah explicitement rendue dans la série "Chair Grise" de 2014. En enchevêtrant la petite et la grande histoire, Zonder articule « la violence dont on hérite et la violence du monde au présent ». Son travail part de réflexions sur le passé et le présent qu’il confronte à la façon dont le matériau se pose sur le papier, peu réfractaire aux nouvelles intuitions que ce geste créateur pourrait amener. Entre hyperréalisme et dessin enfantin, le trait organique donne l’impression de pénétrer une narration intérieure, ne laissant aucune place au regardeur. Zonder étroitise ses obsessions et écarte les autres. Formé à l'école nationale supérieure des beaux-arts de Paris, Jérôme Zonder fait partie de ces artistes qui ont réhabilité avec force le dessin dans l’art contemporain. Il dessine uniquement en noir et blanc, au crayon, au fusain ou avec ses doigts, généralement sur des grands formats. La Fondation Antoine de Galbert, dite la Maison Rouge a depuis fermé. C'est dommage, car c'était un des rares lieux à Paris où les expositions procuraient des émotions qui sont toujours intactes.