Profondément humain et pieux dans un siècle où la modernité a pris le pas sur la religion, Rouault n’est pas un peintre comme les autres. D’autres artistes, comme lui, proclament un retour aux valeurs chrétiennes abandonnées récemment. Apollinaire dans son poème "Zone", publié dans le recueil Alcool en 1913 affirme que : “La religion seule est restée toute neuve la religion / Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation.” Une position qui est rare au début du XXe siècle ! "Homo homini lupus" (L’homme est un loup pour l’homme) de 1944-1948, le chef-d’oeuvre de Georges Rouault sur la condition humaine, est présenté dès le début de l’exposition, comme pour une première approche du personnage. Rempli de colère, il peint des filles de joies du quartier populaire de Belleville, il reprend la figure d’Ubu Roi d’Alfred Jarry et aborde même la Grande Guerre avec son cycle "Miserere". D’ailleurs, c’est la première fois que ce cycle est montré entièrement au grand public ! Georges Rouault dépeint tous les oubliés de la société de son temps, qu’ils soient religieux, soldats, femmes ou habitants des colonies. Ces peintures apparaissent comme de « saintes colères devant l’injustice », comme le dit si bien Pierre Courthion, le biographe de l’artiste. Ces peintures sont un exutoire qui lui permettent d’exprimer sa colère de manière pacifique. Un des tableaux qui illustre le mieux son travail est "L’Accusé" de 1908, là encore jamais exposé au grand public jusqu’à ce jour. Il représente un homme, humble, entouré d’hommes l’accablant de toute la misère du monde. Cette allégorie de la justice est, en connaissant la foi de Rouault, aussi une parodie de la justice divine. Georges Rouault utilise sa colère dans la recherche picturale de nouvelles formes et couleurs, faisant de lui l’un des peintres les plus importants du XXe siècle.